Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

C’est Heinz Leyman, psychosociologue allemand, chercheur à l’université de Stockholm qui s’intéresse le premier à la question du harcèlement moral. Il décrit le phénomène dans un livre qu’il publie en 1993 Mobbing : la persécution au travail. Dans le monde anglo-saxon, d’autres termes tels que bullying, harassment sont utilisés pour décrire le même phénomène.

En France, c’est Marie-France Hirigoyen qui introduit pour la première fois le terme de harcèlement moral dans un ouvrage qu’elle publie en 1998, Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien. Le livre va rencontrer un succès considérable amenant des associations à réclamer la création d’une loi spécifique, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.

Le harcèlement moral est une technique de destruction ; il touche au monde du travail comme au milieu scolaire ou au couple.

Une difficulté pour repérer le harcèlement moral vient de ce qu’il peut être confondu avec d’autres facteurs de souffrance sur le lieu de travail regroupés sous le terme de « risques psychosociaux », inventé car le seul mot stress ne suffisait pas à cerner les différentes situations, qui englobent le stress, les conflits, les violences, le harcèlement moral et d’autres notions plus floues comme le mal-être au travail.

Les risques psychosociaux, contrairement au harcèlement moral, n’ont pas de définition légale. Les autres souffrances n’ayant pas de définition juridique propre sont rarement reconnues ; il est donc fréquent qu’une plainte pour harcèlement moral soit le seul moyen trouvé par un salarié pour dénoncer un contexte de travail qui le fait souffrir.

La notion de harcèlement moral est une notion essentiellement subjective puisqu’elle est basée sur un ressenti. Une même personne placée dans les mêmes conditions ne réagira pas forcément de la même manière, chacun ne disposant pas des mêmes ressources. C’est cette subjectivité de la notion qui explique certainement l’abondance du contentieux. Les différences d’appréciation et de définition initialement retenues par les juridictions du fond ont logiquement conduit la Cour de cassation à rendre un grand nombre de décisions en la matière, rendues nécessaire pour une uniformisation du droit positif.

Le législateur n’a pas défini les comportements répréhensibles, la tâche semblant alors impossible. La jurisprudence s’est vue confier la lourde tâche de décider, au cas par cas, du caractère harceleur de ces comportements.

Faire reconnaître un harcèlement moral par la justice prud’homale n’est pas chose simple. L’attitude des juges est partagée : d’un côté, ils sont excédés par les innombrables demandes non argumentées auxquelles ils doivent faire face ; de l’autre, il n’est pas question de ne pas sanctionner les cas avérés, d’autant que la Cour de cassation exerce un contrôle approfondi.

Si le taux d’échec des décisions reconnaissant le harcèlement moral est si élevé, cela tient en partie au mode de preuve. L’article L. 1154-1 du Code du travail prévoit, en effet, qu’il appartient au salarié d’établir « des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ». Celui-ci devra donc nécessairement établir la matérialité de faits précis et concordants au soutien de ses allégations par le biais d’attestations, certificats médicaux, courriels, etc. En contrepartie, le défendeur sera contraint de démontrer que ses actes sont justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement.

I      LE HARCELEMENT MORAL : UNE SITUATION DIFFICILE A QUALIFIER

Le harcèlement moral est une notion qui répond à une définition précise (A). Les intérêts de retenir la qualification de harcèlement moral sont multiples (B).

A       LA DEFINITION DU HARCELEMENT MORAL EN FRANCE

Bien comprendre la définition du harcèlement moral est essentiel à la fois pour permettre une détection et une prévention efficace du processus, mais également pour évaluer les chances de succès d’une procédure.

Afin de mieux comprendre cette notion, il est intéressant de confronter les définitions des professionnels de la santé avec celle qui a été retenue par le législateur (1). Pour qu’un harcèlement moral soit reconnu, des éléments constitutifs doivent être réunis (2).

1.  Définitions

Selon Marie-France Hirigoyen, il s’agit d’une violence à petite touches, qui ne se repère pas, mais qui est pourtant très destructrice. Chaque attaque prise séparément n’est pas vraiment grave, c’est l’effet cumulatif des microtraumatismes fréquents et répétés qui constitue l’agression.

Le harcèlement fait l’objet d’une définition légale à l’article L.1152-1 du Code du travail.

L’article L.1152-1 du Code du travail énonce en effet que : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

La définition donnée par Code pénal définit le harcèlement comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

Souvent critiquée, la définition légale du harcèlement ne peut être pourtant que générale, de même que l’est la définition des actes de torture, compte tenu des trésors d’imagination que s’ingénient à développer les personnes qui s’y livrent. La fréquence de ces comportements renforce encore les nuances et variétés.

Le législateur a choisi de ne pas nommer les agissements, pour ne pas être restrictif. On ne peut que constater que cette définition s’appuie beaucoup plus sur les conséquences du harcèlement moral que sur ses causes ou sa nature.

2.  Les éléments constitutifs

a   Les agissements hostiles

Il ne peut être question ici de lister tous les agissements hostiles susceptibles d’entrer dans la définition du harcèlement moral.

On peut néanmoins  regrouper ces agissements par thèmes :

  • Isolement et refus de communication (Consignes de ne plus parler à un salarié, mise au placard, le fait pour un salarié d’être installé dans un local exigu dépourvu de chauffage et d’outils de travail, avec interdiction faite par l’employeur à ses collègues de lui parler, d’adopter un comportement autoritaire à son égard et de mettre en doute son équilibre psychologique
  • Atteintes aux conditions de travail (la surcharge de travail définie comme une masse de tâches professionnelles à accomplir par le salarié qui ne soit pas en adéquation avec ses capacités productives ou avec celles imposées aux salariés travaillant dans les mêmes conditions, la suppression de fonction, le déclassement, la dégradation de fonction
  • Attaques personnelles et intimidations (dénigrement et brimade, critiques injustifiées, travail remis systématiquement en cause sous le prétexte que ce n’était pas cela qui avait été demandé, reproches sur le travail sans même vérifier la réalisation, critiques incessantes, agressivité injustifiée, dévalorisation permanente, avertissements infondés, pression disciplinaire, convocations répétées à des entretiens préalables, humiliations publiques, mesures vexatoires, remise en cause de la santé psychologique, des capacités professionnelles, etc…)

Ainsi, le harcèlement moral peut revêtir des formes diverses et variées et bien évidemment, les faits énumérés ci-dessus n’en sont que quelques exemples.

b   Fréquence et durée

La notion de répétition présente dans la définition légale exige au moins deux faits de harcèlement moral.

Toutefois, il existe une exception à ce principe : il est possible de qualifier un acte isolé de harcèlement, à condition qu’il puisse être relié à une discrimination prohibée.

Si une succession d’actes pris isolément ne peut constituer en soi un harcèlement moral, quel que soit leur degré de gravité, il en va différemment de l’accumulation d’actes identiques ou distincts ayant pour objet ou pour effet la dégradation des conditions de travail.

La Cour de cassation considère qu’il appartient aux juges du fond de déterminer à partir de quel moment la répétition de tels actes prend la forme d’un harcèlement moral. Elle encadre cette appréciation puisqu’elle exige que les actes soient « pris dans leur ensemble ».

c   Un abus de pouvoir

Dans la plupart des situations, il y a un abus de pouvoir de l’employeur, qui peut être un abus de son pouvoir de direction, de son pouvoir de contrôle ou de son pouvoir de sanction.

Lorsque l’accusation de harcèlement moral repose sur des abus de pouvoir : changements d’affectation successifs, remarques et critiques sur la qualité du travail, il est indispensable alors de démontrer pour l’employeur que ces manifestations de pouvoir, présentées par le salarié comme du harcèlement, sont justifiées en réalité par des éléments objectifs tels que la restructuration de d’atelier au sein duquel travaillait le salarié ou des difficultés rencontrées par le salarié pour tenir son poste.

Il faut démontrer que ces décisions ou observations concernant le travail du salarié relèvent du pouvoir de direction et non d’atteintes à la dignité, de déstabilisation, d’acharnement.

d   Est-il nécessaire de prouver l’intention malveillante du harceleur ?

La position de la Cour de cassation est très claire à ce sujet : le salarié n’a pas à établir l’intention malveillante du harceleur.

Néanmoins, même s’il ne peut prouver cette intention, le salarié victime aura tout intérêt à donner une explication de l’acharnement à son encontre et un historique de la dégradation des relations. Comment emporter la conviction d’un juge sans éléments de contexte qui permettent de comprendre les causes du harcèlement ?

B       L’INTERET DE LA QUALIFICATION

Il y a plusieurs intérêts à ce que la qualification de harcèlement soit retenue. Tout d’abord, d’un point de vue personnel pour la victime (1), cela permet ensuite d’obtenir la nullité des actes ou du licenciement (2), cela permet d’augmenter les chefs d’indemnisation (3). A ce jour, les conséquences d’un harcèlement ne peuvent être reconnues comme maladie professionnelle (4).

1.  Permettre d’accélérer le processus de guérison de la victime

En principe, il n’est pas nécessaire de démontrer que la santé du salarié victime a été dégradée. Il suffit d’après la définition légale, que les agissements aient eu « pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de… »

Même si ce n’est pas une condition légale pour qu’un harcèlement moral soit reconnu, la victime dans la plupart des cas a souffert en termes de santé. Burn-out, dépression, syndrome dépressif réactionnel, prises médicamenteuses d’anxiolytiques, de somnifères, d’antidépresseurs sont souvent associés à une situation de harcèlement moral.

Dans les cas les plus graves, on voit des tentatives de suicide, des hospitalisations psychiatriques.

Certains conseils de prud’hommes exigent de manière officieuse non seulement des certificats médicaux mais qui doivent en plus avoir été émis par un médecin psychiatre.

Les psychiatres ne sont pas toujours d’accord entre eux, mais il y a point qui fait l’unanimité : une reconnaissance du harcèlement moral subi permet à la victime de se reconstruire plus rapidement.

En conséquence, même si les chances de faire reconnaitre le harcèlement moral sont faibles, il est important de le demander pour permettre de poser des mots sur une souffrance qui a besoin d’être reconnue.

2.  La sanction : nullité des actes

En vertu de l’article Article L. 1152-3 du Code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il est dans la plupart des situations très intéressant d’obtenir la nullité d’un acte y compris pour un licenciement.

Le salarié licencié qui parvient à faire juger son licenciement nul a un droit à réintégration. Si la réintégration est demandée, il peut outre l’avantage d’être réintégré, solliciter tous les salaires qui n’ont pas été versés depuis le licenciement.

A cet égard, la jurisprudence varie d’une cour d’appel à l’autre. Certains juges condamnent l’entreprise à payer l’intégralité des salaires entre le départ du salarié et sa réintégration. D’autres magistrats déduisent du montant alloué au salarié les salaires de remplacement telles qu’allocations chômage…

La réintégration est rarement demandée par le client, victime de harcèlement. Il peut néanmoins être intéressant de conserver cette possibilité pour plusieurs raisons :

  • Il se peut que la personne ne retrouve pas de travail et sera contente de pouvoir retrouver un emploi de qualification équivalente et un salaire identique, surtout dans un groupe de sociétés.
  • Les indemnités allouées sont généralement plus importantes. Il en va tout autrement, si le salarié ne demande pas sa réintégration, puisque les juges appliquent alors leur jurisprudence comme en matière de licenciement abusif.
  •  Faire reconnaître la nullité du licenciement permettra également au salarié qui a moins de deux ans d’ancienneté ou qui travaillait dans une société de moins de 11 salariés d’obtenir une indemnité plus importante. La jurisprudence de la Cour de cassation n’est pas très claire, certaines décisions ont affirmé que dans l’hypothèse d’un licenciement nul, l’indemnité réparant le préjudice doit être au moins égale au douze derniers mois de salaire, d’autres tranchent pour une indemnité qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois.

Un arrêt inédit rendu le 11 décembre 2015 illustre le propos : après avoir dit le licenciement de la salariée nul en raison d’un harcèlement moral, la cour d’appel avait condamné son employeur d’alors au paiement d’une somme de 4 000 € à ce titre. Le compte n’y est pas pour le juge du droit, qui rappelle que le salarié dont le licenciement est nul, et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, outre les indemnités de rupture, à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaires. Faut-il voir un revirement de jurisprudence qui tendrait à diminuer la réparation des licenciements nuls ?

3.  La double indemnité du harcèlement moral

La Cour de cassation considère que si le harcèlement moral est établi, le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts destinés à réparer le fait de s’être fait harcelé.

Selon l’article L. 1152-4 du Code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

L’obligation de prévention résultant de cet article est distincte de celle résultant de l’article L. 1152-1. Par conséquent, la méconnaissance de chacune de ces obligations, lorsqu’elle entraine des préjudices différents pour le salarié peut ouvrir droit à des réparations spécifiques, l’une au titre des faits de harcèlement, l’autre au titre du non-respect de l’obligation générale de prévention (Cass. Soc. 6 juin 2012, n°10-27694).

Dès lors l’employeur a commis deux manquements distincts, ayant causé deux dommages différents et justifiant chacun une réparation spécifique. L’un peut être qualifié de cause directe du harcèlement moral (les actes de harcèlement en tant que tels) ; l’autre est une cause plus lointaine mais néanmoins réelle (l’absence de prévention des risques).

La jurisprudence récente de la Cour de cassation tend toutefois à plus d’indulgence envers les entreprises. Il semblerait que désormais, un employeur ait une obligation de moyen renforcée et non une obligation de résultat.

4.  Non-reconnaissance du harcèlement moral comme maladie professionnelle

La structure des tableaux de maladies professionnelles n’est pas adaptée aux pathologies psychiques. C’est ce qui explique que le harcèlement moral ne soit pas reconnu encore à ce jour comme une maladie professionnelle. Toutefois, l’inscription du burn-out dans un tableau de maladies professionnelles est un sujet régulièrement débattu.

II     LES REGLES DE PREUVE EN MATIERE DE HARCELEMENT MORAL

De principe, il n’y a pas un régime juridique de la preuve propre au droit du travail. On applique normalement les règles du droit commun. C’est ce qui se déduit, notamment de l’article R. 1451-1 du Code du travail selon lequel sous réserve des dispositions dudit code, la procédure devant les juridictions prud’homales est régie par les dispositions du livre premier du Code de procédure civile.

Mais en réalité, il existe une multiplicité de règles particulières, légales ou jurisprudentielles, gouvernant l’administration de la preuve dans tel ou tel domaine et dérogeant aux règles ordinaires de preuve, dont l’addition fait qu’au bout du compte le régime de la preuve en droit du travail n’a plus grand-chose à voir avec le droit commun de la preuve. Le harcèlement est une illustration de règle particulière de preuve en droit du travail.

Bien souvent, le juge doit trancher entre deux versions d’un même fait, blanc et noir. N’ayant pas été le témoin direct des faits en cause, il ne peut trancher pour dire où est la « vérité ». Il le doit pourtant sous peine de déni de justice. La seule manière de procéder est alors de savoir sur quelle partie pèse la charge de la preuve. Soit cette partie apporte une preuve crédible et elle emporte la décision, soit elle est défaillante et le juge donne raison à l’autre partie.

La question de savoir sur qui doit reposer la preuve du harcèlement moral a suscité de nombreux débats.

Si la preuve repose sur le salarié seul, il est évident que jamais aucun cas de harcèlement moral ne sera reconnu. A l’inverse, si la preuve ne repose que sur l’employeur, le risque est grand que celui-ci se retrouve otage de salariés peu scrupuleux.

Cette alternative n’était pas jugée satisfaisante tant en droit qu’en équité. Il a donc été inscrit dans la loi un système dérogatoire du droit commun (A) dont la Cour de cassation contrôle strictement l’application (B)

A       UN MECANISME DE PREUVE DEROGATOIRE DU DROIT COMMUN

La charge de la preuve, en droit commun, incombe au demandeur à l’instance, puisque c’est normalement à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Et le demandeur à l’instance, en matière prud’homale, c’est le salarié dans la plupart des cas pour la simple raison que l’employeur, ayant le pouvoir de direction, a par là-même le pouvoir juridique de prendre les décisions qui lui sont nécessaires, le pouvoir de se faire justice à lui-même en quelque sorte.

L’application du droit commun de la preuve en droit du travail reviendrait donc à faire peser presque systématiquement la charge de la preuve sur le salarié, demandeur à l’instance, et d’une preuve qui peut être difficile à rapporter si l’on considère, comme on l’a déjà dit, que les éléments de preuve sont généralement en la possession de l’employeur.

L’article L. 1154-1 du Code du travail pose une technique de preuve élaborée sur le modèle de celui imposé en matière de discrimination, lui-même d’inspiration européenne. Le rapprochement de ces infractions sur le terrain de la preuve était d’ailleurs encouragé par le droit européen, qui assimile le harcèlement à une forme de discrimination.

Le salarié doit désormais établir « des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. L’employeur a toujours la charge de démontrer, en retour, que ses actes ne sont pas constitutifs de harcèlement, mais justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il s’agit donc d’une démarche en deux temps.

1.  Des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement

Le salarié doit apporter des éléments qui permettent d’établir une présomption de harcèlement.

  • La simple présomption suffit

Il doit néanmoins fournir des éléments suffisamment précis, qui vont permettre à l’employeur de répondre le cas échéant que telle ou telle décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il ne suffit pas d’énoncer des faits pour la victime, il doit apporter des éléments les justifiant.

Le comportement de la victime ne peut pas être pris comme élément justificatif. Dans plusieurs arrêts, la Chambre sociale de la Cour de cassation souligne en effet, que « quel que soit le comportement du salarié, les juges doivent rechercher si les éléments apportés peuvent faire présumer des faits de harcèlement. »

  • Les faits doivent être pris dans leur ensemble

La Cour de cassation fait une application stricte en la matière. Certaines cours d’appel dans un premier temps analysait chaque fait allégué et le rejetait, comme élément constitutif du harcèlement moral, en précisant qu’en soi tel fait n’était pas très grave, tel autre n’avait pas eu de conséquences… Après avoir rejeté chaque fait, les juges en déduisaient que le salarié n’apportait pas d’éléments laissant présumer le harcèlement moral. Ceci conduisait au rejet systématique des demandes de reconnaissance de harcèlement moral.

Ceci n’était pas satisfaisant. En effet, dans bon nombre de situations, c’est un ensemble de faits d’apparence anodins, qui vont conduire à la destruction psychique d’une personne. En effet, les personnes subissant un harcèlement moral, n’en ont souvent même pas conscience, et sont donc incapables de se protéger.

La Cour de cassation s’est mise à censurer de manière systématique les décisions d’appel motivées de cette façon. Elle exige que les juges fassent une analyse des faits pris dans leur ensemble et exercent un contrôle de la qualification du résultat de cette analyse.

  • Le faisceau de preuves

Compte tenu de la grande difficulté que représente la preuve du harcèlement moral, la jurisprudence établit un système de preuve reposant sur des témoignages, mais surtout sur un faisceau de présomptions concordantes. Le harcèlement moral ne sera reconnu que si les éléments de preuve produits démontrent une accumulation de faits différents et qu’ils concordent.

Ainsi, une attestation unique arguant de reproches perpétuels de l’accusé, à laquelle s’ajoute un syndrome dépressif du plaignant, ne peuvent suffire.

2.  Des faits justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement

Face aux allégations du salarié, l’employeur doit prouver que chaque fait est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. L’employeur dispose de deux armes pour se défendre face à un salarié qui se prétend victime de harcèlement moral.

Une première tactique de défense consiste à nier le fait allégué par le salarié et demander le rejet pur et simple de telle pièce en arguant qu’elle est fausse, fabriquée, sortie de son contexte….

La deuxième tactique de défense est de trouver des éléments objectifs permettant de justifier les décisions prises.

Par exemple, Monsieur X n’a pas été augmenté comme tous ses collègues de même niveau de qualification pour des raisons économiques. Les vacances de Monsieur X ont été annulées, car une commande exceptionnelle d’un client important devait être produite etc… La difficulté consiste à trouver des raisons suffisamment objectives.

Si les éléments apportés par le salarié sont suffisamment précis, l’employeur aura le plus grand mal à se justifier.

La décision souveraine d’appréciation revient au juge après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

B       LES MODES DE PREUVE

En matière de harcèlement moral, le salarié va devoir prouver des faits juridiques, le principe est donc celui de la liberté de la preuve (1). L’un des modes de preuve couramment utilisé est l’attestation. En maîtriser la valeur probante est essentiel (2).

1   Preuve par tout moyen

Dans la plupart des litiges, ce qui est à prouver, ce sont des faits, des comportements, des agissements, voire des abstentions, dont l’une des parties entend tirer des conséquences de droit.

Il n’est donc pas surprenant que la liberté des modes de preuve gouverne l’administration de la preuve en droit du travail. Tous les modes de preuve peuvent donc normalement être employés pour établir les faits ou comportements en cause.

Deux modes de preuve sont prohibés à l’employeur : les preuves obtenues par l’utilisation d’un procédé clandestin ou dissimulé de surveillance et celles qui ont été obtenues par un procédé portant atteinte aux droits des personnes.

Pendant le stage effectué au sein des chambres sociales de la Cour d’appel de Versailles, j’ai plusieurs fois été confrontée à la question de savoir si telle preuve est ou non recevable. J’ai néanmoins pu observer que, même si la pièce est rejetée, il en reste quand même « quelque chose ». Il est compliqué de ne pas tenir compte d’une information qui va nécessairement contribuer à l’opinion que l’on se fait sur le dossier.

Concernant les salariés, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est assez souple, puisqu’ils peuvent utiliser des documents soustraits à l’employeur, sans pouvoir être accusés de vol. De même, il ne peut être reproché au salarié une violation d’une clause de confidentialité.

D’une manière générale, le bon exercice par le salarié de ses droits en justice semble être une considération essentielle de la jurisprudence, ce qui conduit à accepter des pièces quels qu’en soient le contenu ou le mode d’obtention.

On peut donc observer que ce principe est appliqué dans des conditions adaptées à la relation de travail, qui est une relation déséquilibrée, ce qui signifie que la loyauté dans l’administration de la preuve pèse plus sur l’employeur que sur le salarié et que corrélativement la liberté de la preuve n’est pas également partagée ; elle bénéficie plus au salarié qu’à l’employeur, l’objectif poursuivi étant que l’inégalité des parties contractantes ne compromette pas le droit à un procès équitable.

Trois types de pièces sont intéressants à étudier, car ils font l’objet d’appréciation différente par les tribunaux.

·       Les écrits de la victime

Les écrits provenant de la victime elle-même, adressés à ses supérieurs ou notés pour mémoire, relatant avec détails et dates, les problèmes relationnels avec un collègue ou le supérieur hiérarchique, sont souvent avancés comme preuve.

Ce type d’écrit est généralement rejeté par les juges au nom du principe que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

Les victimes se heurtent à une difficulté quand le harceleur n’écrit rien, ne donne pas de consignes, ne répond rien.

L’avocat devra alors démontrer que cette absence de réponse, ce silence gardé est une manifestation du harcèlement. Il faudra conseiller au salarié d’écrire à d’autres personnes de la société pour leur demander leur aide et au passage décrire les difficultés qu’elles rencontrent, puis de les remercier par écrit de leur intervention éventuelle, ou de leur écoute lors d’une réunion…

Ce type d’écrit peut être jugé recevable par le juge, peut-être pas sous l’angle du harcèlement mais sous celui de l’obligation de sécurité, si la personne écrit que cela contribue à une détérioration de sa santé.

Un deuxième conseil peut être d’obtenir des témoignages de personnes protégées, telles que délégué du personnel, membre du comité d’entreprise…

Il y a en effet peu de chances d’obtenir des témoignages directs de collègues, qui ont trop peur de subir ensuite des représailles.

·       Les écrits émanant de l’accusé

Ils peuvent manifester le harcèlement, à moins qu’ils ne formulent des reproches dans des termes corrects et respectueux.

Des “post-it” comportant des messages désagréables ou des courriels avec un ton déplacé ou déplaisant sont très utiles.

Si la victime a choisi la voie pénale, elle n’est pas tenue de respecter le principe de loyauté de la preuve. Elle peut dès lors apporter des écrits ou enregistrements dérobés. Ces enregistrements peuvent se montrer particulièrement utiles en cas de harcèlement par menace ou injures.

L’aveu du harceleur est improbable. Les juges peuvent néanmoins relever une absence de contestation des accusations et un récit des faits qui, s’il minimise les problèmes, du moins ne contredit pas la version de la victime.

·       Les certificats médicaux

Ils constituent un mode de preuve très intéressant car ils attestent la conséquence en réalité essentielle du harcèlement moral.

Certains conseils de prud’homme, voire quelques juges d’appel, exigent de manière officieuse des certificats médicaux attestant de l’état dépressif.

Certains considèrent en plus que ces certificats doivent remplir certaines conditions, à commencer par le caractère suffisamment explicite. La mention d’un état dépressif doit préciser que ce syndrome est lié aux conditions de travail ou à des difficultés professionnelles.

La qualification du médecin qui rédige le certificat médical compte : l’écrit émanant d’un simple généraliste consulté à titre privé aura moins de poids que le certificat rédigé par un médecin du travail ou un psychiatre.

Pourtant, exiger une telle pièce consiste à rajouter une condition à la loi puisque la définition du harcèlement moral se contente d’ « agissements susceptibles de… ». Cette règle signifie pourtant que le salarié n’a pas à prouver que les agissements hostiles ont eu un effet sur sa santé.

Quoi qu’il en soit, un certificat médical décrivant un état de dépression n’est pas suffisant, car « une mésentente dégénérant en conflit de personnes est susceptible d’avoir des répercussions identiques sur l’état de santé » à un harcèlement moral.

Comme tout élément de preuve, il doit être complété par d’autres pour constituer un « faisceau d’indices », qui permettra de déterminer l’existence d’un lien de causalité entre le harcèlement et la dépression.

2.  L’attestation

Rendu au visa des articles 6 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 29 octobre 2013 érige, dans le champ des relations de travail, la liberté de témoigner au rang de liberté fondamentale.

De nombreux litiges s’appuient sur des faits établis par des attestations. Ces attestations sont tout d’abord assujetties à des conditions de recevabilité portant notamment sur leur formalisme. Mais une fois leur valeur probante reconnue, encore faut-il qu’elles soient efficaces sur le plan probatoire.

Il est donc essentiel de comprendre quelle en est la valeur probante et quel poids donner à ces témoignages.

Afin d’en assurer l’authenticité l’article 202 du Code de Procédure Civile encadre formellement la rédaction des attestations. Il énonce que :

« L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.

Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.

L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. »

 

L’article 203 du Code de Procédure Civile ajoute que : « le juge peut toujours procéder par voie d’enquête à l’audition de l’auteur d’une attestation. »

a.  Les conditions de recevabilité de l’attestation

Réglementées par les dispositions générales du Code de procédure civile, les conditions d’admissibilité de l’attestation dans le contentieux prud’homal présentent certains particularismes liés à la spécificité des litiges traités et des parties au procès. Aux conditions de forme classiques, s’ajoutent ainsi des interrogations inhérentes à la qualité de l’auteur de l’attestation.

·       Les conditions de forme de l’attestation

À la lecture de l’article 202 du Code de procédure civile, la rédaction d’une attestation obéit à un formalisme apparemment strict.

Outre la mention des nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession, lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts, s’ajoutent l’indication de ce qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales. Dans son dernier alinéa, le texte ajoute que l’attestation est « écrite, datée et signée de la main de son auteur » qui doit « annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature ».

La portée de ces exigences est toutefois considérablement réduite par l’analyse de la Cour de cassation, qui retient que les dispositions relatives à la rédaction des attestations ne sont pas prescrites à peine de nullité.

En conséquence, l’appréciation de la valeur et de la portée d’une attestation non conforme aux prescriptions de l’article 202 du Code de procédure civile est laissée au pouvoir souverain des juges du fond qui ne peuvent l’écarter d’office des débats sans indiquer « en quoi l’irrégularité constitue l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief ».

Face à des attestations non conformes, les juges du fond s’attachent notamment à vérifier que les auteurs des attestations sont clairement identifiables et « qu’elles ne comportent aucun indice de nature à mettre en doute leur authenticité ».

Plus généralement, c’est la vérification que l’attestation litigieuse présente des « garanties suffisantes » qui permet aux juges de statuer in fine sur sa recevabilité.

Il appartient ainsi à celui qui conteste la recevabilité d’une attestation en raison du non-respect du formalisme de l’article 202 du Code de procédure civile de démontrer en quoi l’irrégularité constatée lui fait grief. A défaut, la pièce sera déclarée recevable par les juges du fond.

Certaines juridictions vont jusqu’à utiliser l’absence de dépôt de plainte pour faux témoignage comme indice de l’authenticité des attestations. Il paraît toutefois difficile d’en déduire que celui qui souhaite que soit écartée des débats une attestation non-conforme aux dispositions de l’article 202 du Code de procédure civile est nécessairement tenu de déposer plainte pour faux témoignage pour que sa demande aboutisse.

Si les juges du fond font donc preuve de tolérance à l’égard du formalisme et des délais de rédaction des attestations, la qualité de leur auteur appelle d’autres interrogations auxquelles la jurisprudence a récemment apporté des réponses décisives.

·       La qualité de l’auteur de l’attestation

Au-delà des incapacités de témoigner en justice, la connaissance personnelle des faits apparaît comme la seule condition expressément requise par les textes pour apprécier la qualité de l’auteur de l’attestation.

La vérification de ce qu’il a été personnellement témoin des événements dont il fait état et de ce qu’il remplit bien les conditions pour être entendu comme témoin devrait ainsi suffire à confirmer la recevabilité du témoignage.

Il est vrai que le cadre des relations de travail et l’exercice du pouvoir de direction pourraient faciliter les manœuvres permettant à l’employeur d’obtenir des témoignages de complaisance. L’objectivité d’anciens salariés en litige avec l’employeur pourrait, elle aussi, être sujette à caution. Les liens personnels entretenus par les parties au litige et leurs témoins soulèvent également de nombreuses interrogations. Pourtant, l’examen de la jurisprudence démontre qu’en dépit de la fréquence des contestations liées à la qualité de l’auteur de l’attestation, l’irrecevabilité du témoignage n’est que rarement admise.

Ainsi, quelle que soit la qualité de l’auteur de l’attestation et le destinataire du témoignage, le raisonnement suivi par la Cour de cassation est aujourd’hui généralisé : aux juges du fond est confiée l’appréciation de la valeur et de la portée des attestations ainsi soumises à leur contrôle. On passe alors de la question de l’appréciation de la recevabilité de l’attestation à celle de son efficacité.

b.  Les conditions d’efficacité de l’attestation

Une fois les conditions de recevabilité de l’attestation vérifiées et sa valeur probante confirmée, encore faut-il s’intéresser à sa portée, c’est-à-dire à son aptitude à emporter la conviction du juge.

·       Le degré de précision de l’attestation

Une attention particulière doit ainsi être portée au contenu de l’attestation, apprécié au regard du niveau de précision des événements évoqués. Pour pouvoir emporter la conviction du juge et apporter la preuve des arguments invoqués en demande ou en défense, l’attestation doit être rédigée de façon à rendre compte de la manière la plus précise possible des faits dont l’auteur déclare avoir été témoin.

La corrélation entre le degré de précision de l’attestation et la force probante qui lui est accordée par le juge est ainsi très fréquemment mise en avant par les juges du fond. Il est ainsi jugé qu’une attestation est « suffisamment précise et détaillée pour être retenue à titre de preuve ».

Pour être précis, les faits relatés doivent être datés et expliciter dans le détail les événements qui veulent être prouvés par l’une ou l’autre des parties au litige.

Le témoignage se doit donc d’être explicite et complet.

Il est également important que l’auteur de l’attestation précise les circonstances exactes dans lesquelles il a pu être témoin des faits qu’il rapporte. Est-ce un collègue, une personne d’un niveau hiérarchique inférieur, supérieur ? Les juges apprécient en effet d’avoir une idée de l’angle d’appréciation et du champ d’observation du témoin.

Une plus grande efficacité sera ainsi reconnue à l’attestation qui émane d’un collègue côtoyant quotidiennement dans le cadre de ses fonctions le salarié ou à celui qui partage son bureau avec l’intéressé, dès lors que son auteur prendra soin d’indiquer précisément ces éléments. Autrement dit, à celui qui a eu concrètement et fréquemment la possibilité de voir ou d’entendre est accordé un plus grand crédit à condition toutefois que ce contexte soit largement explicité pour pouvoir emporter la conviction des juges.

Si le degré de précision d’une attestation est donc une condition déterminante de son efficacité judiciaire, d’autres critères associés peuvent encore la renforcer.

·       Les autres critères d’efficacité

– Le nombre de témoignages versés au débat contribue à renforcer la conviction du juge.

En présence de plusieurs témoignages, les similitudes éventuelles entre attestations sont plutôt appréciées avec bienveillance par les juges.

En revanche, ce qui vaut pour des attestations détaillées conformes, ne peut jouer pour plusieurs témoignages sommaires. Ainsi, lorsque les témoignages sont rédigés en termes identiques sans donner la moindre précision sur les agissements de harcèlement moral, il est fréquent que les juges retiennent que le salarié n’établit pas les faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Verser aux débats plusieurs attestations laconiques rédigées sur un même modèle est donc non seulement insuffisant à emporter la conviction du juge mais également « décrédibilisant » pour la partie qui s’y prête.

– Il est essentiel que l’auteur ait constaté lui-même les faits.

L’attestation n’est acceptée comme élément de preuve que si le rédacteur a lui-même constaté les faits de harcèlement. Les témoignages de salariés peu présents ou ayant quitté l’entreprise depuis une longue période risquent d’être écartés.

Les attestations relatant des témoignages indirects sont systématiquement rejetées.

Par exemple, le fait de donner un avis personnel, de relater les plaintes formulées par la victime ou d’émettre un avis sur l’état psychique de cette dernière ne constitue pas un témoignage (Cass. Crim., 17 oct. 2006, n° 06-80.957).

– Le respect du principe du contradictoire doit également être observé.

Soumise au principe de contradictoire, la communication d’attestations doit intervenir en temps utile pour éviter que le juge n’écarte ces pièces des débats, comme toutes les autres pièces.

Toutefois, dans la pratique, il est peu fréquent de voir des juges de première instance ou d’appel écarter une pièce parce qu’elle n’aurait pas été transmise en temps utiles.

En conclusion, il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement si l’attestation présente ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction. Si l’une des conditions de forme n’est pas remplie, cela n’empêche pas le témoignage d’avoir une certaine force probante, qui devra être corroborée par d’autres éléments.

3.  Un contrôle strict de la Cour de cassation

En matière de harcèlement moral, le juge va devoir statuer sur des faits juridiques et décider de leur faire produire ou non des conséquences juridiques.

En principe, les faits juridiques sont soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.

Les distorsions de solutions étaient telles entre juridictions que la Cour de cassation a dû intervenir dans le cadre de sa mission d’uniformisation du droit positif.

De fait, la Cour de Cassation exerce un contrôle sur la nature des faits constitutifs du harcèlement moral.

Pour que le contrôle de la qualification du harcèlement moral soit efficace, la haute juridiction exige d’être mise en position de contrôle. Ceci signifie que les cours d’appel doivent motiver tout particulièrement leur décision en explicitant sur quelles pièces elles se sont appuyées pour prendre leur décision.

La Cour de cassation exige également que la démarche de preuve en deux temps soit suivie.

De nombreux arrêts rejetant les demandes de reconnaissance du harcèlement moral ont été cassés pour le motif que la Cour d’appel avait inversé la charge de la preuve.

La Cour de cassation a déjà admis que le harcèlement moral puisse résulter de pratiques managériales (Cass. Crim., 15 septembre 2009, n°09-1025, Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°08-44297).

Par le contrôle de dénaturation, la Cour de cassation substitue son interprétation des faits à celle des juges du fond et s’assure ainsi de la stabilité et de l’homogénéité de la définition et des éléments constitutifs du harcèlement moral, qu’elle a dégagés au fil de sa jurisprudence.